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LETTRE À M****.

22 Juillet 1764.

Je crains, Monsieur, que vous n’alliez un peu vite en besogne dans vos projets ; il faudroit, quand rien ne vous presse, proportionner la maturité des délibérations à l’importance des résolutions. Pourquoi quitter si brusquement l’état que vous aviez embrassé, tandis que vous pouviez à loisir vous arranger en prendre un autre, si tant est qu’on puisse appeller un état le genre de vie que vous vous êtes choisi, & dont vous serez peut-être aussi-tôt rebuté que du premier ? Que risquiez-vous à mettre un peu moins d’impétuosité dans vos démarches, & à tirer parti de ce retard, pour vous confirmer dans vos principes, & pour assurer vos résolutions par une plus mûre étude de vous-même ? Vous voilà seul sur la terre dans l’âge où l’homme doit tenir à tout ; je vous plains, & c’est pour cela que je ne puis vous approuver, puisque vous avez voulu vous isoler vous-même, au moment où cela vous convenoit le moins. Si vous croyez avoir suivi mes principes vous vous trompez, vous avez suivi l’impétuosité de votre âge ; une démarche d’un tel éclat valoir assurément la peine d’être bien pesée avant d’en venir à l’exécution. C’est une chose faite, je le sais : je veux seulement vous faire entendre que la maniere de la soutenir, ou d’en revenir, demande un peu plus d’examen que vous n’en avez mis à la faire.