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à son tour dans l’occasion contraire ; de sorte que beaucoup de guerres, même offensives, sont d’injustes précautions pour mettre en sureté son propre bien, plutôt que des moyens d’usurper celui des autres. Quelque salutaires que puissent être généralement les maximes du bien public, il est certain qu’à ne considérer que l’objet qu’on regarde en politique, & souvent même en morale, elles deviennent pernicieuses à celui qui s’obstine à les pratiquer avec tout le monde, quand personne ne les pratique avec lui.

Je n’ai rien à dire sur l’appareil des armes, parce que destitué de fondemens solides, soit de crainte, soit d’espérance, cet appareil est un jeu d’enfans, & que les Rois ne doivent point avoir de poupées. Je ne dis rien non plus de la gloire des Conquérans, parcs que s’il y avoit quelques monstres qui s’affligeassent uniquement pour n’avoir personne à massacrer, il ne faudroit point leur parier raison, mais leur ôter les moyens d’exercer leur rage meurtrière. La garantie de l’article troisieme ayant prévenu toutes solides raisons de guerre, on ne sauroit avoir de motif de l’allumer contre autrui, qui ne puisse en fournir autant à autrui contre nous-mêmes ; & c’est gagner beaucoup, que de l’affranchir d’un risque où chacun est seul contre tous.

Quant à la dépendance où chacun sera du Tribunal commun, il est très-clair qu’elle ne diminuera rien des droits de la souveraineté, mais les affermira au contraire, & les rendra plus assurés par l’article troisieme : en garantissent à chacun, non-seulement ses Etats contre toute invasion étrangère, mais encore son autorité contre toute rebellion de ses sujets ;