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assez vil pour insulter aux malheureux ? Eh ! si j’oubliois les égards qui leur sont dus, de qui pourraient-ils en attendre ? Que m’importe, enfin, le sort des Jésuites, quel qu’il puisse être ? Leurs ennemis se sont-ils montrés pour moi plus tolérans qu’eux ? La triste vérité délaissée est-elle plus chere aux uns qu’aux autres ? & soit qu’ils triomphent ou qu’ils succombent, en serai-je moins persécuté ? D’ailleurs, pour peu qu’on lise attentivement cette lettre, qui ne sentira pas comme vous que je n’en suis point l’Auteur ? Les mal-adresses y sont entassées : elle est datée de Neufchâtel où je n’ai pas mis le pied ; on y emploie la formule du très-humble serviteur, dont je n’use avec personne ; on m’y fait prendre le titre de Citoyen de Geneve, auquel j’ai renoncé : tout en commençant on s’échauffe pour M. de Voltaire, le plus ardent, le plus adroit de mes persécuteurs, & qui se passe bien, je crois, d’un défenseur tel que moi : on affecte quelques imitations de mes phrases, & ces imitations se démentent l’instant après ; le style de la lettre peut être meilleur que le mien, mais enfin ce n’est pas le mien : on m’y prête des expressions basses ; on m’y fait dire des grossiéretés qu’on ne trouvera certainement dans aucun de mes écrits : on m’y fait dire vous à Dieu ; usage que je ne blâme pas, mais qui n’est pas le nôtre. Pour me supposer l’Auteur de cette lettre, il faut supposer aussi que j’ai voulu me déguiser. Il n’y falloit donc pas mettre mon nom, & alors on auroit pu persuader aux sots qu’elle étoit de moi.

Telles sont, Monsieur, les armes dignes de mes adversaires dont ils achevent de m’accabler. Non contens de m’outrager dans mes ouvrages, ils prennent le parti plus cruel encore de