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Parmi les provisions que vous avez faites, vous avez oublié celle-là.

La marche par laquelle vous avez acquis des connoissances, n’en justifie ni l’objet ni l’usage ; vous avez voulu paroître philosophe : c’étoit renoncer à l’être ; & il valoir beaucoup mieux avoir l’air d’une fille qui attend un mari, que d’un sage qui attend de l’encens. Loin de trouver le bonheur dans l’effet des soins que vous n’avez donnés qu’à la seule apparence, vous n’y avez trouvé que des biens apparens, & des maux véritables. L’état de réflexion où vous vous êtes jettée, vous a fait faire incessamment des retours douloureuxr sur vous-même, & vous voulez pourtant bannir ces idées par le même genre d’occupation qui vous les donna.

Vous voyez l’erreur de la route que vous avez prise, & croyant en changer par votre projet, vous allez encore au même but par un détour. Ce n’est point pour vous que vous voulez revenir à l’étude, c’est encore pour les autres. Vous voulez faire des provisions de connoissances pour suppléer, dans un autre âge, à la figure ; vous voulez substituer l’empire du savoir à celui des charmes.

Vous ne voulez pas devenir la complaisante d’une autre femme, mais vous voulez avoir des complaisans. Vous voulez avoir des amis, c’est-à-dire, une cour. Car les amis d’une femme jeune ou vieille, sont toujours ses courtisans. Ils la servent, ou la quittent ; & vous prenez de loin des mesures pour les retenir, afin d’être toujours le centre d’une sphere, petite ou grande. Je crois sans cela que les provisions que vous voulez faire, seroient la chose la plus inutile, pour l’objet que