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les moyens d’établir une paix durable, ce n’est que l’exciter à n’y opposer.

En effet, dira-t-on, vous ôtez aux Souverains le droit de se faire justice à eux-mêmes,

c’est-à-dire le précieux droit d’être injustes quand il leur plaît ; vous leur ôtez le pouvoir de s’agrandir aux dépens de leurs voisins ; vous les faites renoncer à ces antiques prétentions qui tirent leur prix de leur obscurité, parce qu’on les étend avec sa fortune, à cet appareil de puissance & de terreur, dont ils aiment à effrayer le monde, à cette gloire des conquêtes, dont ils tirent leur honneur ; & pour tout dire, enfin, vous lu forcez d’être équitables & pacifiques. Quels seront les dédommagemens de tant de cruelles privations ?

Je n’oserois répondre, avec l’Abbé de Saint-Pierre : que la véritable gloire des Princes consiste à procurer l’utilité publique, & le bonheur de leurs sujets ; que tous leurs intérêts sont subordonnés à leur réputation ; & que la réputation qu’on acquiert auprès des sages, se mesure sur le bien que l’on fait aux hommes ; que l’entreprise d’une paix perpétuelle étant la plus grande qui ait jamais été faite, est la plus capable de couvrir son Auteur

d’une gloire immortelle ; que cette même entreprise étant aussi la plus utile aux Peuples, est encore la plus honorable aux Souverains ; la seule sur-tout qui ne soit pas souillée de sang, de rapines, de pleurs, de malédictions ; & qu’enfin le plus sûr moyen de se distinguer dans la foule des Rois, est de travailler au bonheur public. Laissons aux harangueurs ces discours, qui, dans les cabinets des Ministres, ont couvert de ridicule l’Auteur & ses projets ; mais ne