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de copies. J’étois bien éloigné d’attendre de cette lettre l’effet qu’elle produisit ; je la regardois comme une protestation nécessaire, & qui auroit son usage en tems & lieu. Quelle fut ma surprise & ma joie de voir dès le lendemain chez moi M. de Montmollin, me déclarer que non-seulement il approuvoit que j’approchasse de la Sainte Table, mais qu’il m’en prioit, & qu’il m’en prioit de l’aveu unanime de tout le Consistoire, pour l’édification de sa paroisse dont j’avois l’approbation & l’estime. Nous eûmes ensuite quelques conférences dans lesquelles je lui développai franchement mes sentimens tels à-peu-près qu’ils sont exposés dans la profession du Vicaire, appuyant avec vérité sur mort attachement constant à l’Evangile & au Christianisme ; & ne lui déguisant pas non plus mes difficultés & mes doutes. Lui de son côté, connoissant assez mes sentimens par mes livres, évita prudemment les points de doctrine qui auroient pu m’arrêter, ou le compromettre ; il ne prononça pas même le mot de rétractation ; n’insista sur aucune explication, & nous nous séparâmes contens l’un de l’autre. Depuis lors j’ai la consolation d’être reconnu membre de son Eglise ; il faut être opprimé, malade, & croire en Dieu pour sentir combien il est doux de vivre parmi ses freres.

M. de Montmollin ayant à justifier sa conduite devant ses confreres, fit courir ma lettre. Elle a fait à Geneve un effet qui a mis les Voltairiens au désespoir, & qui a redoublé leur rage. Des foules de Genevois sont accourus à Motiers, m’embrassant avec des larmes de joie, & appellant hautement M. De Montmollin leur bienfaiteur & leur pere. Il est même sûr