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Mais pourquoi cet appareil d’écrire une lettre ? Ah ! pourquoi ? Le voici. M. de Voltaire me voyant opprimé par le Parlement de Paris, avec la générosité naturelle à lui & à son parti, saisit ce moment de me faire opprimer de même à Geneve, & d’opposer une barriere insurmontable à mon retour dans ma patrie. Un des plus surs moyens qu’il employa pour cela, fut de me faire regarder comme déserteur de ma religion : car là-dessus nos loix sont formelles, & tout citoyen ou bourgeois qui ne professe pas la religion qu’elles autorisent perd par là-même son droit de Cité. Il travailla donc de toutes ses forces à soulever les Ministres ; il ne réussit pas avec ceux de Geneve qui le connoissent, mais il ameuta tellement ceux du pays de Vaud, que malgré la protection & l’amitié de M. le Baillif d’Yverdun & de plusieurs Magistrats, il fallut sortir du Canton de Berne. On tenta de faire la même chose en ce pays ; le Magistrat municipal de Neufchâtel défendit mon livre ; la classe des Ministres le déféra ; le Conseil d’Etat alloit le défendre dans tout l’Etat, & peut-être procéder contre ma personne : mais les ordres de Mylord Maréchal, & la protection déclarée du Roi l’arrêterent tout court, il fallut me laisser tranquille. Cependant le tems de la communion approchoit, & cette époque alloit décider si j’étois séparé de l’Eglise Protestante, ou si je ne l’étois pas. Dans cette circonstance, ne voulant pas m’exposer à un affront public, ni non plus constater tacitement en ne me présentant pas, la désertion qu’on me reprochoit, je pris le parti d’écrire à M. de Montmollin Pasteur de la paroisse, une lettre qu’il a fait courir ; mais dont les Voltairiens ont pris soin de falsifier beaucoup