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des affronts & des outrages où j’espérois, sinon de la reconnoissance, au moins des consolations. Que de choses m’ont fait regretter l’asyle & l’hospitalité philosophique qui m’attendoient près de vous ! Toutefois mes malheurs m’en ont toujours rapproché en quelque maniere. La protection & les bontés de Mylord Maréchal, votre illustre & digne compatriot, m’ont fait trouver, pour ainsi dire, l’Ecosse au milieu de la Suisse ; il vous a rendu présent à nos entretiens ; il m’a fait faire avec vos vertus la connoissance que je n’avois faite encore qu’a vos talens ; il m’a inspiré la plus tendre amitié pour vous & le plus ardent desir d’obtenir la vôtre, avant que je fusse que vous étiez disposé à me l’accorder. Jugez, quand je trouve ce penchant réciproque, combien j’aurois de plaisir à m’y livrer ! Non, Monsieur, je ne vous rendois que la moitié de ce qui vous étoit dû quand je n’avois pour vous que de l’admiration. Vos grandes vues, votre étonnante impartialité, votre génie, vous éleveroient trop au-dessus des hommes si votre bon cœur ne vous en rapprochoit. Mylord Maréchal, en m’apprenant à vous voir encore plus aimable que sublime, me rend tous les jours votre commerce plus desirable, & nourrit en moi l’empressement qu’il m’a fait naître de finir mes jours près de vous. Monsieur, qu’une meilleure santé, qu’une situation plus commode ne me met-elle à portée de faire ce voyage comme je le delirerois ! Que ne puis-je espérer de nous voir un jour rassemblés avec Mylord dans votre commune Patrie, qui deviendroit la mienne ! Je bénirois dans une société si douce les malheurs par lesquels j’y fus conduit, & je croirois n’avoir commencé de vivre que du jour qu’elle auroit commencé.