Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée

à les rendre hargneux que bons. Guidés par leur Clergé ils épilogueront sur le dogme, mais pour la morale ils ne savent ce que c’est ; car quoiqu’ils parlent beaucoup de charité, celle qu’ils ont n’est assurément pas l’amour du prochain, c’est seulement l’affectation de donner l’aumône. Un chrétien pour eux est un homme qui va au prêche tous les Dimanches, quoiqu’il fasse dans l’intervalle, il n’importe pas. Leurs Ministres qui se sont acquis un grand crédit sur le peuple tandis que leurs Princes étoient catholiques, voudroient conserver ce crédit en se mêlant de tout, en chicanant sur tout, en étendant à tout la jurisdiction de l’Eglise ; ils ne voient pas que leur tems est passé. Cependant ils viennent encore d’exciter dans l’État une fermentation qui achevera de les perdre. L’importante affaire dont il s’agissoit étoit de savoir si les peines des damnés étoient éternelles. Vous auriez peine à croire avec quelle chaleur cette dispute a été agitée ; celle du Jansénisme en France n’en a pas approché. Tous les Corps assemblés, les peuples prêts à prendre les armes, Ministres destitués, Magistrats interdits, tout marquoir les approches d’une guerre civile, & cette affaire n’est pas tellement finie qu’elle ne puisse laisser de longs souvenirs. Quand ils se seroient tous arrangés pour aller en enfer, ils n’auroient pas plus de souci de ce qui s’y passe.

Voilà les principales remarques que j’ai faites jusqu’ici sur les gens du pays où je suis. Elles vous paroîtroient peut-être un peu dures pour un homme qui parle de ses- hôtes, si je vous laissois ignorer que je ne leur suis redevable d’aucune hospitalité. Ce n’est point à Messieurs de Neufchâtel que je