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sinon de l’amusement, au moins de l’occupation dans ce Mercure, car c’est d’un bout à l’autre un logogriphe qui demande un meilleur Œdipe que moi.

C’est à-peu-près le même habillement que dans le Canton de Berne, mais un peu plus contourné. Les hommes se mettent assez à la Françoise, & c’est ce que les femmes voudroient bien faire aussi ; mais comme elles ne voyagent gueres, ne prenant pas comme eux les modes de la premiere main, elles les outrent, les défigurent, & chargées de pretintailles & de falbalas, elles semblent parées de guenilles.

Quant à leur caractere, il est difficile d’en juger, tant il est offusqué de manieres ; ils se croient polis parce qu’ils sont façonniers, & gais parce qu’ils sont turbulens. Je crois qu’il y a que les Chinois au monde qui puissent l’emporter sur eux à faire des complimens. Arrivez-vous fatigué, pressé, n’importe : il faut d’abord prêter le flanc à la longue bordée ; tant que la machine est montée elle joue, & elle se remonte toujours à chaque arrivant. La politesse françoise est de mettre s gens à leur aise & même de s’y mettre aussi. La politesse Neufchâteloise est de gêner & soi-même & les autres. Ils ne consultent jamais ce qui vous convient, mais ce qui peut étaler leur prétendu savoir-vivre. Leurs offres exagérées ne tentent point ; elles ont toujours je ne sais quel air de formule, je ne sais quoi de sec & d’apprêté qui vous invite au refus. Ils sont pourtant obligeans, officieux, hospitaliers très réellement, sur-tout pour les gens de qualité : on est toujours sûr d’être accueilli d’eux en se donnant pour Marquis ou Comte ; & comme une ressource aussi facile ne manque pas aux aventuriers,