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pensent, & n’est pas seulement le droit publie Germanique, mais, à certains égards, celui de toute l’Europe.

Mais si le présent systême est inébranlable, c’est en cela même qu’il est plus orageux ; car il y a entre les Puissances Européennes, une action & une réaction qui, sans les déplacer tout-à-fait, les tient dans une agitation continuelle ; & leurs efforts sont toujours vains & toujours renaissans, comme les flots de la mer, qui sans cesse agitent sa surface, sans jamais en changer le niveau ; de sorte que les Peuples sont incessamment désolés sans aucun profit sensible pour les Souverains.

Il me seroit aisé de déduire la même vérité des intérêts particuliers de toutes les Cours de l’Europe ; car je ferois voir aisément que ces intérêts se croisent de maniere à tenir toutes leurs forces mutuellement en respect ; mais les idées de commerce & d’argent ayant produit une espece de fanatisme politique, font si promptement changer les intérêts apparens de tous les princes, qu’on ne peut établir aucune maxime stable sur leurs vrais intérêts, parce que tout dépend maintenant des systême s économiques, la plupart fort bizarres, qui passent par la tête des Ministres. Quoi qu’il en soit, le commerce, qui tend journellement à se mettre en équilibre, ôtant à certaines Puissances l’avantage exclusif qu’elles en tiroient, leur ôte en même tems un des grands moyens qu’elles avoient de faire la loi aux autres.*

[*Les choses ont changé depuis que j’écrivois ceci ; mais mon principe sera toujours vrai. Il est, par exemple, très-aisé de prévoir que dans vingt ans d’ici, l’Angleterre, avec toute sa gloire, sera ruinée, & de plus aura perdu le reste de sa liberté. Tout le monde assure que l’agriculture fleurit dans cette Isle, & moi je parie qu’elle y dépérit Londres a’agrandit tous les jours ; donc le Royaume se dépeuple. Les Angloix veulent être conquérans ; donc ils ne tarderont pu d’être enclaves. ]