Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/249

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’entreprendre ce voyage, je ne mourrois point sans vous embrasser encore une fois !

Je n’ai jamais prétendu justifier les innombrables défauts de la nouvelle Héloïse ; je trouve que l’on l’a reçue trop favorablement, & dans les jugemens du public, j’ai bien moins à me plaindre de l’a rigueur qu’à me louer de son indulgence ; mais vos griefs contre Wolmar me prouvent que j’ai mal rempli l’objet du livre, ou que, vous ne l’avez pas bien saisi. Cet objet étoit de rapprocher les partis opposés, par une estime réciproque ; d’apprendre aux Philosophes, qu’on peut croire en Dieu sans être hypocrite, & aux Croyans, qu’on peut être incrédule sans être un coquin. Julie, dévote, est une leçon pour les Philosophes, & Wolmar, athée, en est une pour les intolérans. Voilà le vrai but du livre. C’est à vous de voir si je m’en suis écarté. Vous me reprochez de n’avoir pas fait changer de systême à Wolmar, sur la fin du Roman ; mais, mon cher Vernes, vous n’avez pas lu cette fin ; car sa conversion y est indiquée avec une clarté qui ne pouvoir souffrir un plus grand développement, sans vouloir faire une capucinade.

Adieu cher Vernes ; je saisis un intervalle de mieux pour vous écrire. Je vous prie d’informer de ce mieux ceux de vos amis qui pensent à moi, & entr’autres, Messieurs Moultou Roustan, que j’embrasse de tout mon cœur ainsi que vous.