Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/229

Cette page n’a pas encore été corrigée

vous faites le voyage que vous me promettez, l’habitude de nous voir & de nous mieux connoître affermira pour jamais cette amitié véritable que j’ai tant de penchant à contracter avec vous. S’il est donc vrai que votre fortune & vos affaires vous permettent ce voyage, & que votre cœur le desire, annoncez-le moi d’avance afin que je me prépare au plaisir de presser du moins une fois en ma vie, un honnête homme & un ami contre ma poitrine.

Par rapport à ma croyance, j’ai examiné vos objections, & je vous dirai naturellement, qu’elles ne me persuadent pas. Je trouve que pour un homme convaincu de l’immortalité de l’ame vous donnez trop de prix aux biens & aux maux de cette vie. J’ai connu les derniers mieux que vous, & mieux peut-être qu’homme qui existe ; je n’en adore pas moins l’équité de la providence & me croirois aussi ridicule de murmurer de mes maux durant cette courte vie, que de crier à l’infortune, pour avoir passé une nuit dans un mauvais cabaret. Tout ce que vous dites sur l’impuissance de la conscience, se peut retorquer plus vivement encore contre la révélation ; car que voulez-vous qu’on pense de l’auteur d’un remede qui ne guérit de rien ? Ne diroit-on pas que tous ceux qui connoissent l’Evangile sont de fort saints personnages, & qu’un Sicilien sanguinaire & perfide vaut beaucoup mieux qu’un Hottentot stupide & grossier ?

Voulez-vous que je croye que Dieu n’a donné sa loi aux hommes que pour avoir une double raison de les punir ? Prenez garde, mon ami ; vous voulez le justifier d’un tort chimérique, & vous aggravez l’accusation. Souvenez-vous, sur-tout,