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quand ma présence étoit douce à ton cœur affligé, je comptois mes pas, & regardois au tems qu’il faisoit pour aller à Vincennes *

[* Où M. Diderot étoit détenu prisonnier.] consoler mon ami. Homme insensible dur ! deux larmes versées dans mon sein m’eussent mieux valu que le trône du monde ; mais tu me les refuses, & te contentes de m’en arracher. Hé bien ! garde tout le reste ; je ne veux plus rien de toi.

LETTRE AU MÊME.

2 Mars 1758.

Il faut, mon cher Diderot, que je vous écrive encore une fois en ma vie ; vous ne m’en avez que trop dispensé ; mais le plus grand crime de cet homme que vous noircissez d’une si étrange maniere, est de ne pouvoir se détacher de vous.

Mon dessein n’est point d’entrer en explication pour ce moment-ci sur les horreurs que vous m’imputez. Je vois que cette explication seroit à présent inutile. Car quoique né bon & avec une ame franche, vous avez pourtant un malheureux penchant à mésinterpréter, les discours & les actions de vos amis. Prévenu contre moi comme vous l’êtes, vous tourneriez en mal tout ce que je pourrois dire pour me justifier, & mes plus ingénues explications ne

seroient que fournir à votre esprit subtil de nouvelles interprétations à ma charge.