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concilier ces étranges contrariétés ; & cette fraternité prétendue des Peuples de l’Europe ne semble être qu’un nom de dérision, pour exprimer avec ironie leur mutuelle animosité.

Cependant les choses ne font que suivre en cela leur cours naturel ; toute société sans loix ou sans Chefs, toute union formée ou maintenue par le hasard, doit nécessairement dégénérer en querelle & dissension à la première circonstance qui vient à changer ; l’antique union des Peuples de l’Europe a compliqué leurs intérêts & leurs droits de nulle manières ; ils se touchent par tant de points, que le moindre mouvement des uns ne peut manquer de choquer les autres ; leurs divisions sont d’autant plus funestes que leurs liaisons sont plus intimes ; & leurs fréquentes querelles ont presque la cruauté des guerres civiles.

Convenons donc que l’état relatif des Puissances de l’Europe est proprement un état de guerre, & que tous les Traités partiels entre quelques-unes de ces Puissances sont plutôt des trèves passageres que de véritables Paix ; soit parce que ces Traités n’ont point communément d’autres garans que les Parties contractantes ; soit parce que les droits des unes & des autres n’y sont jamais décidés radicalement, & que ces droits mal éteints, ou les prétentions qui en tiennent lieu entre des Puissances qui ne reconnoissent aucun Supérieur, seront infailliblement des sources de nouvelles guerres, si-tôt que d’autres circonstances auront donné de nouvelles forces aux Prétendants.

D’ailleurs, le Droit public de l’Europe n’étant point établi ou autorisé de concert, n’ayant aucuns principes généraux, &