Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/186

Cette page n’a pas encore été corrigée

quoi de lâche, à demander aux gens la permission de les louer, & d’indécent à l’accorder. Ne croyez pas, non plus, qu’une telle conduire soit sans exemple : je puis vous faire voir des livres dédiés à la nation Françoise, d’autres au peuple Anglois, sans qu’on ait fait un crime aux Auteurs de n’avoir eu pour cela ni le consentement de la nation, ni celui du Prince qui surement leur eût été refusé, parce que dans toute Monarchie, le roi ; veut être l’Etat lui tout seul, & ne prétend pas que le peuple soit quelque chose.

Au reste, si j’avois eu à m’ouvrir à quelqu’un sur cette affaire, c’auroit été à M. le Premier moins qu’à qui que ce soit au monde. J’honore & j’aime trop ce digne & respectable Magistrat, pour avoir voulu le compromettre en la moindre chose, & l’exposer au chagrin de déplaire peut-être à beaucoup de gens, en favorisant mon projet ; ou d’être forcé, peut-être à le blâmer contre son propre sentiment. Vous pouvez croire qu’ayant réfléchi long-tems sur les matieres de Gouvernement, je n’ignore pas la force de ces petites maximes d’Etat qu’un sage Magistrat est obligé de suivre, quoiqu’il en sente lui-même, toute la frivolité.

Vous conviendrez que je ne pouvois obtenir l’aveu du Conseil, sans que mon ouvrage fût examiné ; or, pensez -vous que j’ignore ce que c’est que ces examens, & combien l’amour-propre des censeurs les mieux intentionnés, & les préjugés des plus éclairés, leur sont mettre d’opiniâtreté & de hauteur à la place de la raison & leur sont rayer d’excellentes choses, uniquement parce qu’elles ne sont pas dans leur maniere de penser & qu’ils ne les ont pas méditées aussi profondément