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exemple, beaucoup d’honnêtes lecteurs soupçonneroient volontiers qu’avec de l’argent, le chef de la fabrique de fer battu, ou l’auteur des fontaines domestiques excitent mon zele en cette occasion ; défiance assez naturelle dans un siecle de charlatanerie, où les plus grands fripons ont toujours l’intérêt public dans la bouche. L’exemple est en ceci plus persuasif que le raisonnement, parce que la même défiance ayant vraisemblablement dû naître aussi dans l’esprit des autres, on est porté à croire que ceux qu’elle n’a point empêché d’adopter ce que l’on propose, ont trouvé pour cela des raisons décisives. Ainsi, au lieu de m’arrêter à montrer combien il est absurde, même dans le doute, de laisser dans la cuisine des ustensiles suspects de poison, il vaut mieux dire que M. Duverney vient d’ordonner une batterie de fer pour l’Ecole militaire, que M. le Prince de Conti a banni tout le cuivre de la sienne ; que M. le Duc de Duras Ambassadeur en Espagne, en a fait autant ; & que son cuisinier, qu’il consulta là-dessus, lui dit nettement que tous ceux de son métier qui ne s’accommodoient pas de la batterie de fer, tout aussi bien que de celle de cuivre, étoient des ignorans, ou des gens de mauvaise volonté. Plusieurs particuliers ont suivi cet exemple, que les personnes éclairées, qui m’ont remis l’extrait ci-joint, ont donné depuis long-tems, sans que leur table se ressente le moins du monde de ce changement, que par la confiance avec laquelle on peut manger d’excellens ragoûts, très-bien préparés dans des vaisseaux de fer.

Mais que peut-on mettre sous les yeux du public de plus frappant que cet extrait même ? S’il y avoit au monde un nation qui dût s’opposer à l’expulsion du cuivre, c’est certainement