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de mille différentes maladies, par l’usage de ce métal dans nos cuisines & dans nos fontaines, sans se douter eux-mêmes de la véritable cause dé leurs maux. Cependant, quoique la manufacture d’ustensiles de fer battu & étamé, qui est établie au fauxbourg St. Antoine, offre des moyens faciles de substituer dans les cuisines une batterie moins dispendieuse, aussi commode que celle de cuivre, & parfaitement saine, au moins quant au métal principal, l’indolence ordinaire aux hommes sur les choses qui leur sont véritablement utiles, & les petites maximes que la paresse invente sur les usages établis, sur-tout quand ils sont mauvais, n’ont encore laissé que peu de progrès aux sages avis des Chimistes, & n’ont proscrit le cuivre que de peu de cuisines. La répugnance des cuisiniers à employer d’autres vaisseaux que ceux qu’ils connoissent, est un obstacle dont on ne sent toute la force que quand on connoît la paresse & la gourmandise des maîtres. Chacun fait que la société abonde en gens qui préferent l’indolence au repos, & le plaisir au bonheur ; mais on a bien de la peine à concevoir qu’il y en ait qui aiment mieux s’exposer à périr, eux & toute leur famille, dans des tourmens affreux, qu’à manger un ragoût brûlé.

Il faut raisonner avec les sages, & jamais avec le public. Il y a long-tems qu’on a comparé la multitude à un troupeau de moutons ; il lui faut des exemples au lieu de raisons, car chacun craint beaucoup plus d’être ridicule que d’être fou ou méchant. D’ailleurs, dans toutes les choses qui concernent l’intérêt commun, presque tous jugeant d’après leurs propres maximes, s’attachent moins à examiner la force des preuves, qu’à pénétrer les motifs secrets de celui qui les propose : par