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cœur, à toute sorte de risque ; quel étoit donc cet intérêt auquel il sacrifioit sa vie même ?

S’inscrire en faux contre le fait seroit prendre une mauvaise défaite ; car on peut toujours l’établir par supposition, & chercher tout intérêt étranger mis à part, ce que seroit en pareil cas pour l’intérêt de lui-même tout homme de bon sens, qui ne ni vertueux, ni scélérat.

Posant successivement les deux cas, l’un que le juré ait prononcé la condamnation de l’accusé & l’ait fait périr pour se mettre en sureté, l’autre qu’il l’ait absous, comme il fit, à ses propres risques, puis suivant dans les deux cas le reste de la vie du juré & la probabilité du sort qu’il se seroit préparé, pressez votre homme de prononcer décisivement sur cette conduite, & d’exposer nettement de part ou d’autre l’intérêt & les motifs du parti qu’il auroit choisi ; alors si votre dispute n’est pas finie, vous connoîtrez du moins si vous vous entendez l’un l’autre, ou si vous ne vous entendez pas.

Que s’il distingue entre l’intérêt d’un crime à commettre ou à ne pas commettre, & celui d’une bonne action à faire ou à ne pas faire, vous lui serez voir aisément que dans l’hypothese la raison de s’abstenir d’un crime avantageux qu’on peut commettre impunément, est du même genre que celle de faire entre le ciel & soi une bonne action onéreuse ; car, outre que quelque bien que nous puissions faire ; en cela nous ne sommes que justes, on ne peut avoir nul intérêt en soi-même à ne pas faire le mal qu’on n’ait un intérêt semblable à faire le bien ; l’un & l’autre dérivent de la même source & ne peuvent être séparés.

Sur-tout, Monsieur, songez qu’il ne faut point outrer les