Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/140

Cette page n’a pas encore été corrigée

pouvoir des hommes d’en disposer ! Lisez-vous quelquefois la République de Platon ? Voyez dans le second dialogue avec quelle énergie l’ami de Socrate, dont j’ai oublié le nom, lui peint le juste accablé des outrages de la fortune & des injustices des hommes, diffamé, persécuté, tourmenté, en proie à tout l’opprobre du crime, & méritant tous les prix de la vertu, voyant déjà la mort qui s’approche & sûr que la haine des méchans n’épargnera pas sa mémoire, quand ils ne pourront plus rien sur sa personne. Quel tableau décourageant, si rien pouvoit décourager la vertu ! Socrate lui-même effrayé s’écrie, &croit devoir invoquer les Dieux avant de répondre ; mais sans l’espoir d’une autre vie, il auroit mal répondu pour celle-ci. Toutefois, dût-il finir pour nous à la mort, ce qui ne peut être si Dieu est juste & par conséquent s’il existe, l’idée seule de cette existence seroit encore pour l’homme un encouragement à la vertu & une consolation dans ses miseres, dont manque celui qui se croyant isolé dans cet univers, ne sent au fond de son cœur aucun confident de ses pensées. C’est toujours une douceur dans l’adversité d’avoir un témoin qu ne l’a pas méritée ; c’est un orgueil vraiment digne de la vertu de pouvoir dire à Dieu : Toi qui lis dans mon cœur, tu vois que j’use en ame sorte & en homme juste de la liberté que tu m’as donnée. Le vrai croyant qui se sent par-tout sous l’œil éternel, aime à s’honorer à la face du Ciel d’avoir rempli ses devoirs sur la terre.

Vous voyez que je ne vous ai point disputé ce simulacre que vous m’avez présenté pour unique objet des vertus du sage. Mais, mon cher Monsieur, revenez maintenant à vous