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sentiment que sur des probabilités, l’athée moins précis encore ne me paroît fonder le sien que sur des possibilités contraires. De plus, les objections de part & d’autre sont toujours insolubles, parce qu’elles roulent sur des choses dont les hommes n’ont point de véritable idée. Je conviens de tout cela, & pourtant je crois en Dieu tout aussi fortement que je croye une autre vérité, parce que croire & ne pas croire sont les choses du monde qui dépendent le moins de moi, que l’état de doute est un état trop violent pour mon ame, que quand ma raison flotte, ma foi ne peut rester long-tems en suspens. & se détermine sans elle, qu’enfin mille sujets de préférence m’attirent du côté le plus consolant, & joignent le poids de l’espérance à l’équilibre de la raison.

Voilà donc une vérité dont nous partons tous deux, à l’appui de laquelle vous sentez combien l’optimisme est facile à défendre & la providence à justifier, & ce n’est pas à vous qu’il faut répéter les raisonnemens rebattus mais solides qui ont été faits si souvent à ce sujet. À l’égard des Philosophes qui ne conviennent pas du principe, il ne faut point disputer avec eux sur ces matieres, parce que ce qui n’est qu’une preuve de sentiment pour nous, ne peut devenir pour eux une démonstration, & que ce n’est pas un discours raisonnable de dire à un homme, vous devez croire ceci parce que je le crois. Eux de leur côté ne doivent point non plus disputer avec nous sur ces mêmes matieres, parce qu’elles ne sont que des corollaires de la proposition principale qu’un adversaire honnête ose à peine leur opposer, & qu’à leur tour ils auroient tort d’exiger qu’on leur prouvât le corollaire indépendamment de la proposition qui lui