Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/92

Cette page n’a pas encore été corrigée

désir que vous avez marque de le connoitre. S’il entre en quelque lieu public il y est regarde & traite comme un pestiféré : tout le monde l’entoure & le fixe, mais en s’écartant de lui & sans lui parler, seulement pour lui servir de barrière, & s’il ose parler lui-même & qu’on daigne lui répondre, c’est toujours ou par un mensonge ou en éludant ses questions d’un ton si rude & si méprisant qu’il perde l’envie d’en faire. Au parterre on a grand soin de le recommander à ceux qui l’entourent, & de placer toujours à ses cotes une garde ou un sergent qui parle ainsi sort clairement de lui sans rien dire. On l’a montre signale recommande par-tout aux facteurs, aux commis, aux gardes, aux mouches, aux savoyards, dans tous les spectacles, dans tous les cafés aux barbiers, aux marchands, aux colporteurs, aux libraires. S’il cherchoit un livre, un almanac, un roman, il n’y auroit plus dans tout Paris, le seul désir manifeste de trouver une chose telle qu’elle soit est pour lui l’infaillible moyen de la faire disparaîtra. À son arrivée à Paris il cherchoit douze chansonnettes italiennes qu’il y fit graver il y a une vingtaine d’années, & qui étoient de lui comme le Devin Village : mais le recueil, les airs, les planches, tout disparut, tout fut anéanti des l’instant, sans qu’il en ait pu recouvrer jamais un seul exemplaire. On est parvenu à forcé de petites attentions multipliées à le tenir dans cette ville immense toujours sous les yeux de la populace qui le voit avec horreur. Veut-il passer l’eau vis-a-vis les Quatre-nations ? On ne passera point pour lui, même en payant la voiture entiere. Veut-il se faire décroter ? Les décroteurs, sûr-tout ceux du