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sont passagers & périssables comme eux. Un tems viendra qu’on aura pour le siecle ou vécut J. J. la même horreur que ce siecle marque pour lui, & que ce complot immortalisant son Auteur, comme Erostrate, passera de génie & plus encore de méchanceté.

Le François.

Je joins de bon cœur mes vœux aux vôtres pour l’accomplissent de cette prédiction, mais j’avoue que je n’y ai pas autant de confiance, & à voir le tour qu’a pris cette affaire je jugerois que des multitudes de caracteres & d’evenemens décrits dans l’histoire n’ont peut-être d’autre fondement, que l’invention de ceux qui se sont avises de les affirmer. Que le tems fasse triompher la vérité, c’est ce qui doit arriver très-souvent, mais que cela arrive toujours, comment le sait-on, & sur quelle preuve peut-on l’assurer ? Des vérités long-tems cachées se découvrent enfin par quelques circonstances fortuites. Cent mille autres peut-être resteront à jamais offusquées par le mensonge sans que nous ayons aucun moyen de les reconnaîtra & de les manifester ; car tant qu’elles restent cachées, elles sont pour nous comme n’existant pas. Otez le hasard qui en fait découvrir quelqu’une, elle continueroit d’être cachée, & qui sait combien il en reste pour qui ce hasard ne viendra jamais ? Je disons donc pas que le tems fait toujours triompher la vérité, car c’est ce qu’il nous est impossible de savoir, & il est bien plus croyable qu’effacant pas à pas toutes ses traces, il fait plus souvent triompher le mensonge, sur-tout quand les hommes ont intérêt à le soutenir. Les conjectures sur lesquelles