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Quant à la seconde & à la plus sensible des peines que lui ont fait les barbares qui le tourmentent, il la dévore en secret, elle reste en réserve au fond de son cœur, il ne s’en est ouvert à personne & je ne la saurois pas moi-même s’il eut pu me la cacher. C’est par elle que lui étant toutes les consolations qui restoient à sa portée, ils lui ont rendu la vie à charge autant qu’elle peut l’être à un innocent. À juger du vrai but de vos Messieurs par toute leur conduite à son égard, ce but paroît être de l’amener par, degrés & toujours sans qu’il y paroisse, jusqu’au plus violent désespoir, & sous l’air de l’intérêt & de la commisération de le contraindre, à force de secrètes angoisses, à finir par les délivrer de lui. Jamais tant qu’il vivra ils ne seront, malgré toute leur vigilance, sans inquiétude de se voir découverts. Malgré la triple enceinte de ténèbres qu’ils renforcent sans cesse autour de lui, toujours ils trembleront qu’un trait de lumière ne perce par quelque fissure & n’éclaire leurs travaux souterrains. Ils espérent, quand il n’y sera plus, jouir plus tranquillement de leur œuvre ; mais ils se sont abstenus jusqu’ici de disposer tout-a-fait de lui, soit qu’ils craignent de ne pouvoir tenir cet attentat aussi cache que les autres, soit qu’ils se fassent encore un scrupule d’opérer par eux-mêmes l’acte auquel ils ne s’en sont aucun de le forcer, soit enfin qu’attaches au plaisir de le tourmenter encore, ils aiment mieux attendre de sa main la preuve complete de sa misère. Quel que soit leur vrai motif, ils ont pris tous les moyens possibles pour le rendre à force de déchiremens, le ministre de la haine dont il est l’objet. Ils se sont singulièrement appliques à le navrer de