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l’animent sans l’offusquer. On n’a pas besoin de crier sans cesse aux accompagnateurs ; doux, plus doux. Tout cela ne convient encore qu’au seul Devin du Village. S’il n’a pas fait cette piece, il faut donc qu’il en ait l’auteur toujours à ses ordres pour lui composer de nouvelle musique toutes les fois qu’il lui plaît d’en produire sous ton nom, car il n’y a que lui seul qui en fasse comme celle-la. Je ne dis pas qu’en épluchant bien toute cette musique on n’y trouvera ni ressemblances ni réminiscences ni traits pris ou imites d’autres auteurs ; cela n’est vrai d’aucune musique que je connoisse. Mais soit que ces imitations soient des rencontres fortuites ou de vrais pillages, je dis que de la maniere dont l’auteur les emploie les lui approprie ; je dis que l’abondance des idées dont il est plein & qu’il associe à celles-la, ne peut laisser supposer que ce soit par stérilité de son propre fonds qu’il se les attribue ; c’est paresse ou précipitation, mais ce n’est pas de pauvreté : il lui est trop aise de produire pour avoir jamais besoin de piller.*

[* Il y a trois seuls morceaux dans le Devin du Village qui ne sont pas uniquement de moi ; comme des le commencement je l’ai dit sans cesse à tout le monde ; tous trois dans le divertissement. 1 ? Les paroles de la chanson qui sont, en partie, & du moins l’idée & le refrain de M. Colle. 2 ? Les paroles de l’Ariette qui sont de M. Cahusac, lequel m’engagea à faire après coup cette Ariette pour complaire à Mlle. Fel qui sc plaignoit qu’il avoir rien de brillant pour sa voix dans son rôle ; 3 ? & l’entrée des Bergères que, sur les vives instances de M. d’Holbach j’arrangeai sur une piece de Clavecin d’un recueil qu’il me présenta. Je ne dirai pas quelle étoit l’intention de M. d’Holbach, mais il me pressa si fort d’employer quelque chose de ce recueil que je ne pus dans cette bagatelle résister obstinément à son désir. Pour la romance, qu’on m’a fait tirer tantôt de Suisse, tantôt de Languedoc, tantôt de nos Pfeaumes & tantôt je ne sais ou, je ne l’ai tirée que de ma tête ainsi que toute la piece. Je la composai, revenu depuis peu d’Italie, passionne pour la musique que j’y avois entendue & dont on n’avoit encore aucune connoissance à Paris. Quand cette connoissance commença de s’y répandre on auroit bientôt découvert mes pillages si j’avois fait comme sont les Compositeurs François, parce qu’ils sont pauvres d’idées, qu’ils ne connoissent pas même le vrai chant & que leurs accompagnemens ne sont que du barbouillage. On a eu l’impudence de mettre en grande pompe dans le recueil de mes écrits la romance de M. Vernes pour faire croire au public que je me l’attribuois. Toute ma réponse a été de faire a cette romance deux autres airs meilleurs que celui-la. Mon argument est simple. Celui qui a fait les deux meilleurs airs n’avoit pas besoin de s’attribuer faussement le moindre.]