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Lorsqu’il entreprit ses confessions, cette œuvre unique parmi les hommes, dont il a profane la lecture en la prodigant aux oreilles les moins faites pour l’entendre, il avoit déjà passe la maturité de l’age & ignoroit encore l’adversité. Il a dignement exécute ce projet jusqu’au tems des malheurs de sa vie ; des-lors il s’est vu force d’y renoncer. Accoutume à ses douces reveries, il ne trouva ni courage ni force pour soutenir la méditation de tant d’horreurs ; il n’auroit même pu s’en rappeller l’effroyable tissu quand il s’y seroit obstine. Sa mémoire a refuse de se souiller de ces affreux souvenirs ; il ne rappeller l’image que des tems qu’il verroit renaître avec plaisir. Ceux ou il fut la proie des mechans en seroient pour jamais effaces avec les cruels qui les ont rendus si funestes, si les maux qu’ils continuent à lui faire ne réveilloient quelquefois malgré lui l’idée de ceux qu’ils lui ont déjà fait souffrir. En un mot, un naturel aimant & tendre, une langueur d’aime que le porte aux plus douces voluptes, lui faisant rejetter tour sentiment douloureux écarte de son souvenir tout objet désagréable. Il n’a pas le mérite de pardonner les offenses, parce qu’il les oublie ; il n’aime pas ses ennemis, mais il ne pense point à eux. Cela met tout l’avantage de leur cote, en ce que ne le perdant jamais de vue, sans cette occupes de lui pour l’enlacer de plus en plus dans leurs piégés, & ne le trouvant, ni assez attentif pour les voir ni assez actif pour s’en défendre, ils sont toujours surs de le prendre au dépourvu quand & comme il leur plaît sans crainte de représailles. Tandis qu’il s’occupe avec lui-même, eux s’occupent aussi de uns