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Rousseau.

Du moins, l’admettez -vous sérieusement pour bonne ?

Le François.

Mais, je vous avoue que je n’aime point à vivre avec les mechans, & je ne crois pas qu’il s’ensuive de-là que je sois un méchant moi -même.

Rousseau.

Il s’ensuit tout le contraire, & non-seulement les mechans aiment à vivre entr’eux, mais leurs écrits comme leurs discours sont remplis de peintures effroyables de toutes sortes de méchancetés. Quelquefois les bons s’attachent de même à les peindre mais seulement pour les rendre odieuses : au lieu que les mechans ne se servent des mêmes peintures que pour rendre odieux, moins les vices que les personnages qu’ils ont en vue. Ces différences se sont bien sentir à la lecture, & les censures vives mais générales des uns s’y distinguent facilement des satires personnelles des autres. Rien n’est plus naturel à un auteur que de s’occuper par préférence des matieres qui sont le plus de son goût. Celui de J. J. en l’attachant à la solitude atteste par les productions dont il s’y est occupe, quelle espece de charme a pu l’y attirer & l’y retenir. Dans sa jeunesse & durant ses courtes prospérités n’ayant encore à se plaindre de personne, il n’aima pas moins la retraite qu’il l’aime dans sa misère. Il se partageoit alors avec délices entre les amis qu’il croyoit avoir & la douceur du recueillement. Maintenant si cruellement désabusé, il se livre à son goût