Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/281

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cette répugnance à se nourrir d’idées noires & déplaisants se fait sentir dans ses écrits comme dans sa conversation, & sur-tout dans ceux de longue haleine ou l’auteur avoit plus le tems d’être lui, & ou son cœur s’est mis, pour ainsi dire, plus à son aise. Dans ses premiers ouvrages entraîne par son sujet, indigne par le spectacle des mœurs publiques, excite par les gens qui vivoient avec lui & qui des-lors, peut-être, avoient déjà leurs vues, il s’est permis quelquefois de peindre les mechans & les vices en traits vifs & poignans, mais toujours prompts & rapides, & l’on voit qu’il ne se complaisoit que dans les images riantes dont il aima de tout tems à s’occuper. Il se félicite à la fin de l’Heloise d’en avoir soutenu l’intérêt durant six volumes, sans le concours d’aucun personnage méchant ni d’aucune mauvaise action. C’est-là, ce me semble, le témoignage le moins équivoque des véritables goûts d’un le témoignage auteur.

Le François.

Eh comme vous vous abusez ! Les bons peignent les mechans sans crainte ; ils n’ont pas peur d’être reconnus dans leurs portraits : mais un méchant n’ose peindre son semblable : il redoute l’application.

Rousseau.

Monsieur, cette interprétation si naturelle est-elle de votre façon ?

Le François.

Non, elle est de nos Messieurs. Oh moi, je n’aurois jamais eu l’esprit de la trouve !