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désirent, par cela seul qu’ils le désirent. Mais celui qui se tient à l’écart, & fuit ces dangereux combats, n’a pas besoin d’adopter cette morale cruelle, n’étant point entraîne par le torrent, ni force de céder à sa fougue impétueuse ou de se roidir pour y résister, il se trouve naturellement soumis à ce grand précepte de morale, mais destructif de tout l’ordre social, de ne mettre jamais en situation à pouvoir trouver son avantage dans le mal d’autrui. Celui qui veut suivre ce précepte à la rigueur n’a- point d’autre moyen pour cela que de se retirer tout-à-fait de la société, & celui qui en vit sépare suit par cela seul ce précepte sans avoir besoin d’y songer.

Notre homme ne sera donc pas vertueux, parce. qu’il n’aura pas besoin de l’être, par la même raison il ne sera ni vicieux ni méchant. Car l’indolence de l’oisiveté, qui dans la société sont un si grand vice n’en sont plus un dans quiconque à su renoncer à ses avantages pour n’en pas supporter les travaux. Le méchant n’est méchant qu’à cause du besoin qu’il a cause du besoin qu’il a des autres, que ceux-ci ne le favorisent pas assez, que ceux-là lui sont obstacle, & qu’il ne peut ni les employer ni les écarter à son gré. Le solitaire n’a besoin que de sa subsistance qu’il aime mieux se procurer par son travail dans la retraite que par ses intrigues dans le monde, qui seroient un bien plus grand travail pour lui. Du reste, il n’a besoin d’autrui que parce que son cœur à besoin d’attachement, il se donne des amis imaginaires pour n’en avoir pu trouver de réels ; il ne fuit les hommes qu’après avoir vainement cherche parmi eux ce qu’il doit aimer.