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exhale ou contient sa colere, s’il est rancunier ou emporte, facile ou difficile à appaiser ; s’il aggrave ou répare ses torts, s’il fait endurer & pardonner ceux des autres ; s’il est doux & facile à vivre, ou dur & fâcheux dans le commerce familier ; s’il aime s’épancher au-dehors ou se concentrer en lui-même, si son cœur s’ouvre aisément ou se ferme aux caresses, s’il est toujours prudent circonspect maître de lui-même, ou si se laissant dominer par ses mouvemens il montre indiscrètement chaque sentiment dont il est ému. Je l’ai pris dans les situations d’esprit les plus diverses, les plus contraires qu’il m’a été possible de saisir ; tantôt calme & tantôt agite, dans un transport de colere & dans une effusion d’attendrissement ; dans la tristesse & l’abattement de cœur : dans ces courts mais doux momens de joie que la nature lui fournir encore & que les hommes n’ont pu lui ôter dans la gaîté d’un repas un peu prolonge ; dans ces circonstances imprévues ou un homme ardent n’a pas le tems de se déguiser, & ou le premier mouvement de la nature prévient toute réflexion. En suivant tous les détails de sa vie, je n’ai point négligé ses discours ses maximes ses opinions ; je n’ai rien omis pour bien connoître ses vrais sentimens sur les matieres qu’il traite dans ses écrits. Je l’ai fonde sur la nature de l’ame, sur l’existence de Dieu, sur la moralité de la vie humaine, sur le vrai bonheur, sur ce qu’il pense de la doctrine à la mode & de ses auteurs, enfin sur tout ce qui peut faire connoître avec les vrais sentimens d’un homme sur l’usage de cette vie & sur sa destination, ses vrais principes de conduite. J’ai soigneusement compare tout ce qu’il m’a dit avec ce que j’ai vu de lui dans la pratique