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Reprenons avec un peu plus de suite le fil de mes observations, avant de passer aux conclusions que j’en ai tirées.

Ma premiere attention après m’être introduit dans la sa familiarité de J. J. fut d’examiner si nos liaisons ne lui faisoient rien changer dans sa maniere de vivre ; & j’eus bientôt toute la certitude possible que non-seulement il n’y changeoit rien pour moi ; mais que de tout tems elle avoit toujours été la même & parfaitement uniforme, quand, maître de la choisir, il avoit pu suivre en liberté son penchant. Il y avoit cinq ans que, de retour à Paris il avoit recommence d’y vivre. D’abord, ne voulant se cacher en aucune maniere, il avoit fréquente quelques maisons dans l’intention d’y reprendre ses plus anciennes liaisons & même d’en former de nouvelles. Mais au bout d’un an il cessa de faire des visites, & reprenant dans la Capitale la vie solitaire qu’il menoit depuis tant d’années à la campagne, il partagea son tems entre l’occupation journalière dont il s’étoit fait une ressource, & les promenades champêtres dont il faisoit son unique amusement. Je lui demandai la raison de cette conduite. Il me dit qu’ayant vu toute la génération présente concourir à l’œuvre de ténèbres dont il étoit l’objet, il avoit d’abord mis tous ses soins à chercher quelqu’un qui ne partageât pas l’iniquité publique qu’après de vaines recherches dans les provinces, il étoit venu les continuer à Paris, espérant qu’au moins parmi ses anciennes connoissances il se trouveroit quelqu’un moins dissimule moins faux, qui lui donneroit les lumieres dont il avoit besoin pour percer cette obscurité : qu’après bien des soins inutiles il n’avoit trouve, même parmi les plus honnêtes gens