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de lui que piégés mensonges trahisons ténèbres. Il est absolument seul & n’a que lui seul pour ressource, il ne doit attendre ni aide ni assistance de qui que ce soit sûr la terre. Une position si singuliere est unique depuis l’existence du genre-humain. Pour juger sainement de celui qui s’y trouvé & de tout ce qui se rapporte à lui les formes ordinaires sûr lesquelles s’établissent les jugemens humains ne peuvent plus suffire. Il me faudroit, quand même l’accuse pourroit parler & se défendre, des sûretés extraordinaires pour croire qu’en lui rendant cette liberté on lui donne en même tems les connoissances les instrumens & les moyens nécessaires pour pouvoir se justifier s’il est innocent. Car enfin, si, quoique faussement accuse, il ignore toutes les trames dont il est enlace, tous les piégés dont on l’entoure, si les seuls défenseurs qu’il pourra trouver & qui feindront pour lui du zele sont choisis pour le trahir, si les témoins qui pourroient déposer pour lui se taisent, si ceux qui parlent sont gagnes pour le charger, si l’on fabrique de fausses pieces pour le noircir, si l’on cache ou détruit celles qui le justifient, il aura beau dire, non, contre cent faux témoignages à qui l’on sera dire, oui ; sa négation sera sans effet contre tant d’affirmations unanimes, & il n’en sera pas moins convaincu aux yeux des hommes de délits qu’il n’aura pas commis. Dans l’ordre ordinaire des choses, cette objection n’a point la même forcé, parce qu’on laissé à l’accuse tous les moyens possibles de se défendre, de confondre les faux témoins, de manifester l’imposture, & qu’on ne présume pas cette odieuse ligue de plusieurs hommes pour en perdre un. Mais ici cette ligue existe, rien n’est plus constant, vous me l’avez appris vous-même, & par cela seul