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de-tout le monde, l’Auteur des seuls écrits dans ce siecle qui portent dans l’ame des l’ame des lectures la persuasion qui les à dicte, & dont on sent en les lisant que l’amour de la vertu & le zele de la vérité sont l’inimitable éloquence. Vous dites que ces livres qui m’émeuvent ainsi le cœur sont les jeux d’un scélérat qui ne sentoit rien de ce qu’il disoit avec tant d’ardeur & de véhémence, & qui cachoit sous un air de probité le venin dont il vouloit infecter les lecteurs. Vous me forcez même de croire que ces écrits à la fois si fiers si touchans si modestes ont été composes parmi les pots & les pintes, & chez les filles de joie ou l’Auteur passoit sa vie, & vous me transformez enfin cet orgueil irascible & diabolique en l’abjection d’un cœur insensible & vil qui se rassasie sans peine de l’ignominie dont l’abreuve à plaisir la charité du public.

Vous m’avez figure vos Messieurs qui disposent à leur gré de sa réputation de sa personne & de toute sa destinée comme des modeles de vertu, des prodiges de générosité, des anges pour lui de douceur & de bienfaisance, & vous m’avez appris en même tems que l’objet de tous leurs tendres soins avoit été de le rendre l’horreur de l’univers le plus déprise des êtres, de le traîner d’opprobre en opprobre & de misère en misère, & de lui faire sentir à loisir dans les calamites de la plus malheureuse vie tous les déchiremens que peut éprouver une ame fière en se voyant le jouet & le rebut du genre-humain. Vous m’avez appris que par-pitié par grace tous ces hommes vertueux avoient bien voulu lui ôter-tout moyen d’être instruit des raisons de tant d’outrages, s’abaisser en sa faveur au rôle de cajoleurs & de traîtres, faire adroitement le plongeon à