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c’en est ici le cas & comment elle y peut avoir lieu. Le droit de faire grace suppose celui de punir, & par conséquent la préalable conviction du coupable. Voila premièrement quoi il s’agit.

Vous prétendez que cette conviction devient superflue ou regne l’évidence ; & moi je pense au contraire qu’en fait de délit l’évidence ne peut résulter que de la conviction du coupable, & qu’on ne peut prononcer sûr la forcé des preuves qui le condamnent qu’après l’avoir entendu. La raison en est que pour faire sortir aux yeux des hommes la vérité du sein des passions il faut que ces passions s’entrechoquent se combattent & que celle qui accuse trouvé un contrepoids égal dans celle qui défend, afin que la raison seule & la justice rompent l’équilibre & fassent pencher la balance. Quand un homme se fait le délateur d’un autre il est probable, il est presque sûr qu’il est mu par quelque passion secrete qu’il a grande soin de déguiser. Mais quelque raison qui le déterminé, & fut-ce même un motif de pure vertu, toujours est-il certain que du moment qu’il accuse il est anime du vif désir de montrer l’accuse coupable, ne fut-ce qu’afin de ne pas passer pour calomniateur ; & comme d’ailleurs il a pris à loisir toute mesures, qu’il s’est donne tout le tems d’arranger ses machines & de concerter ses moyens & ses preuves, le moins qu’on puisse faire pour se garantir de surprise est de les exposer à l’examen & aux réponses de l’accuse qui seul à un intérêt suffisant pour les examiner avec toute l’attention possible, &qui seul encore peut donner tous les éclaircissemens nécessaires pour en bien juger. C’est par une semblable raison que la déposition