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il est bien sûr qu’aucun n’échappé à ses surveillans, & qu’on lui laissé tranquillement consommer. Est-ce donc une vertu si méritoire à vos Messieurs d’abandonner ainsi les honnêtes-gens à la furie d’un scélérat, pour l’unique plaisir de compter tranquillement ses crimes, qu’il leur seroit si aise d’empêcher ?

Le François.

Ils ont leurs raisons pour cela.

Rousseau.

Je n’en doute point : mais ceux-mêmes qui commettent les crimes ont sans doute aussi leurs raisons ; cela suffit-il pour les justifier ? singuliere bonté, convenez-en, que celle qui pour rendre le coupable odieux refuse d’empêcher le crime, & s’occupe à choyer le scélérat aux dépens des innocens dont il fait sa proie. Laisser commettre les crimes qu’on peut empêcher n’est pas seulement en être témoin c’est en être complice. D’ailleurs si on lui laissé toujours faire tout ce que vous dites qu’il fait, que sert donc de l’espionner de si près avec tant de vigilance & d’activité ? Que sert d’avoir découvert ses œuvres pour les lui laisser continuer comme si on n’en savoit rien ? Que sert de gêner si fort sa volonté dans les choses indifférentes pour la laisser en toute liberté des qu’il s’agit de mal faire ? On diroit que vos Messieurs ne cherchent qu’à lui ôter tout moyen de faire autre chose que des crimes. Cette indulgence vous paroît-elle donc si raisonnable, si bien entendue, & digne de personnages si vertueux ?