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sentiers à travers les vignes & les prairies, je traversai jusqu’à Charonne le riant paysage qui sépare ces deux villages ; puis je fis un détour pour revenir par les mêmes prairies en prenant un autre chemin. Je m’amusois à les parcourir avec ce plaisir & cet intérêt que m’ont toujours donné les sites agréables, & marrêtant quelquefois à fixer des plantes dans la verdure. J’en aperçus deux que je voyois assez rarement autour de Paris, & que je trouvai très-abondantes dans ce canton-là. L’une est le Picris hieracioïdes de la famille des composées, & l’autre le Bupleurum falcatum de celles des ombelliferes. Cette découverte me réjouit & m’amusa très-long-tems, & finit par celle d’une plante encore plus rare, sur-tout dans un pays élevé, savoir le Cerastium aquaticum que, malgré l’accident qui m’arriva le même jour, j’ai retrouvé dans un livre que j’avois sur moi, & placé dans mon herbier.

Enfin après avoir parcouru en détail plusieurs autres plantes que je voyois encore en fleurs, & dont l’aspect & l’énumération qui m’étoit familiere me donnoit néanmoins toujours du plaisir, je quittai peu-à-peu ces menues observations pour me livrer à l’impression, non moins agréable, mais plus touchante que faisoit sur moi l’ensemble de tout cela. Depuis quelques jours on avoit achevé la vendange ; les promeneurs de la ville s’étoient déjà retirés ; les paysans aussi quittoient les champs jusqu’aux travaux d’hiver. La campagne, encore verte & riante, mais défeuillée en partie & déjà presque déserte, offroit par-tout l’image de la solitude & des approches de l’hiver. Il résultoit de son aspect un