Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/415

Cette page n’a pas encore été corrigée

en des main fidèles ; c’est le seul moyen qu’elles soient fidèlement régies.

Quand une fois les fonds publics sont établis, les chefs de l’Etat en sont de droit les administrateurs ; car cette administration fait une partie du Gouvernement, toujours essentielle, quoique non toujours également : son influence augmente à mesure que celle des autres ressorte diminue ; & l’on peut dire qu’un Gouvernement est parvenu à son dernier degré de corruption, quand il n’a plus d’autre nerf que l’argent : or comme tout Gouvernement tend sans cesse au relâchement, cette seule raison montre pourquoi nul Etat ne peut subsister si ses revenus n’augmentent sans cesse.

Le premier sentiment de la nécessité de cette augmentation, est aussi le premier signe du désordre intérieur de l’Etat ; & le sage administrateur, en songeant à trouver de l’argent pour pourvoir au besoin présent, ne néglige pas de rechercher la cause éloignée de ce nouveau besoin : comme un marin voyant l’eau gagner son vaisseau, n’oublie pas, en faisant jouer les pompes, de faire aussi chercher & boucher la voie.

De cette regle découle la plus importante maxime de l’administration des finances, qui est de travailler avec beaucoup plus de soin à prévenir les besoins, qu’à augmenter les revenus ; de quelque diligence qu’on puisse user, le secours qui ne vient qu’après le mal, & plus lentement, laisse toujours l’Etat en souffrance : tandis qu’on songe à remédier à un mal, un autre se fait déjà sentir, & les ressources mêmes produisent de nouveaux inconvéniens ; de sorte qu’à la fin la nation s’obère, le peuple est foulé, le Gouvernement perd toute sa vigueur,