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être gouvernée par tous ses membres. Il faut nécessairement que les deniers publics passent par les mains des chefs, lesquels, outre l’intérêt de l’Etat, ont tous le leur particulier, qui n’est pas le dernier écouté. Le peuple de son côté, qui s’aperçoit plutôt de l’avidité des chefs & de leurs folles dépenses, que des besoins publics, murmure de se voir dépouiller du nécessaire pour fournir au superflu d’autrui ; & quand une fois ces manœuvres l’ont aigri jusqu’à un certain point, la plus intègre administration ne viendroit pas à bout de rétablir la confiance. Alors si les contributions sont volontaires, elles ne produisent rien ; si elles sont forcées, elles sont illégitimes ; & c’est dans cette cruelle alternative de laisser périr l’Etat ou d’attaquer le droit sacré de la propriété, qui en est le soutien, que consiste la difficulté d’une juste & sage économie.

La première chose que doit faire, après l’établissement des loix, l’instituteur d’une République, c’est de trouver un fonds suffisant pour l’entretien des magistrats & autres officiers, & pour toutes les dépenses publiques. Ce fonds s’appelle oerarium ou fisc, s’il est en argent ; domaine public, s’il est en terres, & ce dernier est de beaucoup préférable à l’autre, par des raisons faciles à voir. Quiconque aura suffisamment réfléchi sur cette matière, ne pourra guère être à cet égard d’un autre avis que Bodin, qui regarde domaine publie comme le plus honnête & le plus sur de tous le moyens de pourvoir aux besoins de l’Etat ; & il est à remarque que le premier soin de Romulus dans la division des terres, fut d’en destiner le tiers à cet usage. J’avoue qu’il n’est pas impossible que le produit du domaine mal administré se réduise à rien ; mais