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respecter ce qui peut se ravir plus aisément ; soit enfin parce que la propriété est le vrai fondement de la société civile, & le vrai garant des engagemens des citoyens : car, si les biens ne répondaient pas des personnes, rien ne seroit si facile que d’éluder ses devoirs & de se moquer des loix. D’un autre côté, il n’est pas moins sûr que le maintien de l’Etat & du Gouvernement exige des frais & de la dépense, & comme quiconque accorde la fin ne peut refuser les moyens, il s’ensuit que les membres de la société doivent contribuer de leurs biens à son entretien. De plus, il est difficile d’assurer d’un côté la propriété des particuliers sans l’attaquer d’un autre, & il n’est pas possible que tous les règlemens qui regardent l’ordre des successions, les testaments, les contrats ne gênent les citoyens à certains égards, sur la disposition de leur propre bien, & par conséquent sur leur droit de propriété.

Mais, outre ce que j’ai dit ci-devant de l’accord qui regne entre l’autorité de la loi & la liberté du citoyen, il y a par rapport à la disposition des biens une remarque importante à faire, qui leve bien des difficultés. C’est, comme l’a montré Puffendorf, que, par la nature du droit de propriété, il ne s’étend point au-delà de la vie du propriétaire, & qu’à l’instant qu’un homme est mort, son bien ne lui appartient plus. Ainsi, lui prescrire les conditions sous lesquelles il en peut disposer, c’est au fond moins altérer son droit en apparence que l’étendre en effet.

En général, quoique l’institution des loix qui reglent le pouvoir des particuliers dans la disposition de leur propre bien n’appartienne qu’au Souverain, l’esprit de ces loix, que le Gouvernement