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qui ne peut exister dans la pratique : Mais si l’abus est inévitable, s’ensuit-il qu’il ne faille pas au moins le regler ? C’est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l’égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir.

Mais ces objets généraux de toute bonne institution doivent être modifiés en chaque pays par les rapports qui naissent, tant de la situation locale, que du caractere des habitans, & c’est sur ces rapports qu’il faut assigner à chaque peuple un systême particulier d’institution, qui soit le meilleur, non peut-être en lui-même, mais pour l’État auquel il est destiné. Par exemple le sol est-il ingrat & stérile, ou le pays trop serré pour les habitans ? Tournez-vous du côté de l’industrie & des arts, dont vous échangerez les productions contre les denrées qui vous manquent. Au contraire, occupez-vous de riches plaines & des côteaux fertiles ? Dans un bon terrain, manquez-vous d’habitans ? Donnez tous vos soins à l’agriculture qui multiplie les hommes, & chassez les arts qui ne feroient qu’achever de dépeupler le pays, en attroupant sur quelques points du territoire le peu d’habitans qu’il a [1]. Occupez-vous des rivages étendus & comodes ? Couvrez la mer de vaisseaux, cultivez le commerce & la navigation ; vous aurez une existence brillante & courte. La mer ne baigne-t-elle sur vos côtes que des rochers presque inaccessibles ?

  1. (p) Quelque branche de commerce extérieur, dit M. d’A., ne répand gueres qu’une fausse utilité pour un royaume en général ; elle peut enrichir quelques particuliers, même quelques villes, mais la nation entiere n’y gagne rien, & le peuple n’en est pas mieux.