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vant naitre des simples rélations personnelles, mais seulement des relations réelles, la guerre privée ou d’homme à homme ne peut exister, ni dans l’état de nature où il n’y a point de propriété constante, ni dans l’état social où tout est sous l’autorité des loix.

Les combats particuliers, les duels, les rencontres sont des actes qui ne constituent point un état ; & à l’égard des guerres privées, autorisées par les établissemens de Louis IX roi de France, & suspendues par la paix de Dieu, ce sont des abus du gouvernement féodal, systême absurde s’il en fut jamais, contraire aux principes du droit naturel, & à toute bonne politie.

La guerre n’est donc point une rélation d’homme à homme, mais une rélation d’État à État, dans laquelle les particuliers ne sont ennemis qu’accidentellement, non point comme hommes ni même comme citoyens [1], mais comme soldats ; non point comme membres de la patrie, mais comme

  1. (*) Les Romains qui ont entendu & plus refpecté le droit de la guerre qu’aucune nation du monde, portoient fi loin le fcrupule à cet égard qu’il n’étoit pas permis à un Citoyen de fervir comme volontaire , fans s’être engagé expreflement contre l’ennemi, & nommément contre tel ennemi. Une Légion où Caton le fils faifoit fes premieres armes fous Popilius ayant été réformée, Caton le pere écrivit à Popilius que s’il vouloit bien que fon fils continuât de fervir fous lui, il faloit Lui fiiijç prêter un nouveau ferment militaire, parce que le premier étant annullé, il ne pouvoit plus porter les armes contre l’ennemi. Et le même Caton écrivit à fon fils de fe bien garder de fe préfenter au combat qu’il n’eût prêté ce nouveau ferment. Je fais qu’on pourra m’oppofer le fiege de Clufium & d’autres faits particuliers. Mais moi je cite des loix, des ufages. Les Romains font ceux qui ont le moins fouvent tranfgrefle leurs loix, & ils font les feuls qui en aient eu d’aufli belles.