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concevoir, & est pour l’ordinaire derechef grosse & fait un nouvel enfant, long-tems avant que le précédent soit hors d’état de se passer du secours de ses parens, & puisse lui-même pourvoir à ses besoins. Ainsi un pere étant obligé de prendre soin de ceux qu’il a engendrés, & de prendre ce soin-là pendant long-tems, il est aussi dans l’obligation de continuer à vivre dans la société conjugale avec la même femme de qui il les a eus, & de demeurer dans cette société beaucoup plus long-tems que lm autres créatures, dont les petite pouvant subsister d’eux-mêmes avant que le tems d’une nouvelle procréation vienne, le lien du mâle & de la femelle ne rompt de lui-même, & l’un & l’autre se trouvent dans une pleine liberté, jusqu’à ce que cette saison qui a coutume de solliciter les animaux à se joindre ensemble, les oblige à se choisir de nouvelles compagnes. Et ici l’on ne sauroit admirer assez la sagesse du créateur, qui, ayant donné à l’homme des qualités propres pour pourvoir à l’avenir aussi-bien qu’au présent, a voulu & a fait en sorte que la société de l’homme durât beaucoup plus long-tems que celle du mâle & de la femelle parmi les autres créatures, afin que par là l’industrie de l’homme & de la femme fût plus excitée, & que leurs intérêts fussent mieux unis, dans la vue de faire des provisions pour leurs enfans & de leur laisser du bien ; rien ne pouvant être plus préjudiciable à des enfans qu’une conjonction incertaine & vague, ou une dissolution facile & fréquente de la société conjugale."

Le même amour de la vérité qui m’a fait exposer sincerement cette objection, m’excite à l’accompagner de quelques remarques, sinon pour la résoudre, au moins pour l’éclaircir.

1. J’observerai d’abord que les preuves morales n’ont pas une