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avec les hommes. La différence des terrains, des climats, des saisons, put les forcer à en mettre dans leurs manieres de vivre. Des années stériles, des hivers longs & rudes, des étés brûlans, qui consument tout, exigerent d’eux une nouvelle industrie. Le long de la mer & des rivieres, ils inventerent la ligne & l’hameçon, & devinrent pêcheurs & ichthyophages. Dans les forêts, ils se firent des arcs & des flêches, & devinrent chasseurs & guerriers. Dans les pays froids ils se couvrirent des peaux des bêtes qu’ils avoient tuées. Le tonnerre, un volcan, ou quelque heureux hasard, leur fit connoître le feu, nouvelle ressource contrera rigueur de l’hiver : ils apprirent à conserver cet élément, puis à le reproduire, & enfin à en préparer les viandes qu’auparavant ils dévoroient crues.

Cette application reitérée des êtres divers à lui-même, & des uns aux autres, doit naturellement engendrer dans l’esprit de l’homme les perceptions de certaine rapports. Ces relations que nous exprimons par les mots de grand, de petit, de fort, de foible, de vîte, de lent, de peureux, de hardi, & d’autres idées pareilles, comparées au besoin & presque sans y songer, produisirent enfin chez lui quelque sorte de réflexion, ou plutôt, une prudence machinale qui lui indiquoit les précautions les plus nécessaires à sa sûreté.

Les nouvelles lumieres qui résulterent de ce développement, augmenterent sa supériorité sur les autres animaux, en la lui faisant connoître. Il s’exerça à leur dresser des piéges, il leur donna le change en mille manieres, & quoique plusieurs le surpassassent en force au combat ou en vîtesse à la course, de ceux qui pouvoient lui servir ou lui nuire, il devint avec le