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point se tourmenter pour la jeter au feu, puisque les élèves de ma méthode parviendront à chanter à livre ouvert sur la musique ordinaire en moins de temps encore, y compris celui qu’ils auront donné à la mienne, qu’on ne le fait communément  ; comme ils sauront donc également l’une et l’autre sans y avoir employé plus de temps, on ne pourra pas déjà dire à l’égard de ceux-là que l’ancienne musique est inutile.

Supposons des écoliers que n’aient pas des années à sacrifier, et qui veuillent bien se contenter de savoir en sept ou huit mois de temps chanter à livre ouvert sur ma note, je dis que la musique ordinaire ne sera pas même perdue pour eux. A la vérité, au bout de ce temps-là, ils ne la sauront pas exécuter à livre ouvert : peut-être, même, ne la déchiffreront-ils pas sans peine : mais enfin, ils la déchiffreront ; car, comme ils auront d’ailleurs l’habitude de la mesure et celle de l’intonation, il suffira de sacrifier cinq ou six leçons de le septième mois à leur en expliquer les principes par ceux qui leur seront déjà connus, pour les mettre en état d’y parvenir aisément par eux-mêmes, et sans le secours d’aucun maître ; et quand ils ne voudraient pas se donner ce soin, toujours seront-ils capables de traduire sur le champ toute sorte de musique par la leur, et par conséquent, ils seraient en état d’en tirer parti, même dans un temps où elle est encore indéchiffrable pour les écoliers ordinaires.

Les maîtres ne doivent pas craindre de redevenir écoliers : ma méthode est si simple qu’elle n’a besoin que d’être lue et non pas étudiée, j’ai lieu de croire que les difficultés qu’ils y trouveraient viendraient plus des dispositions de leur esprit que de l’obscurité du système, puisque des dames à qui j’ai eu l’honneur de l’expliquer ont chanté sur le champ et à livre ouvert de la musique notée suivant cette méthode, et ont elles-mêmes noté des airs fort correctement, tandis que des musiciens du premier ordre auraient, peut-être, affecté de n’y rien comprendre.

Les musiciens, je dis du moins le plus grand nombre, ne se piquent guère de juger des choses sans préjugés et sans passion, et communément ils les considèrent bien moins par ce qu’elles sont en elles-mêmes, que par le rapport qu’elles peuvent