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avoir en Corse. Comme il ne vous avait point nommé, je ne voulus point vous nommer non plus. Enfin il m’apporte la lettre de M. Paoli, dont je ne connais point l’écriture ; jugez si tout cela devait m’être suspect ! Qu’avais-je à faire en pareil cas ? lui remettre une réponse dont à tout événement on ne pût tirer d’éclaircissement ; c’est ce que je fis. Je voudrais à présent vous parler de nos affaires et de nos projets, mais ce n’en est guère le moment. Accablé de soins, d’embarras, forcé d’aller me chercher une autre habitation à cinq ou six lieues d’ici, les seuls soucis d’un déménagement très-incommode m’absorberaient quand je n’en aurais point d’autres, et ce sont les moindres des miens. À vue de pays, quand ma tête se remettrait, ce que je regarde comme impossible de plus d’un an d’ici, il ne serait pas en moi de m’occuper d’autre chose que de moi-même. Ce que je vous promets, et sur quoi vous pouvez compter dès à présent, est que, pour le reste de ma vie, je ne serai plus occupé que de moi ou de la Corse : toute autre affaire est entièrement bannie de mon esprit. En attendant, ne négligez pas de rassembler des matériaux soit pour l’histoire, soit pour l’institution ; ils sont les mêmes. Votre gouvernement me parait être sur un pied à pouvoir attendre. J’ai parmi vos papiers un mémoire daté de Vescovado, 1764, que je présume être de votre façon, et que je trouve excellent. L’âme et la tête du vertueux Paoli feront plus que tout le reste. Avec tout cela, pouvez-vous manquer d’un bon gouvernement provisionnel ? Aussi bien, tant que des puissances étrangères se mêleront de vous, ne pourrez-vous guère établir autre chose.

Je voudrais bien, monsieur, que nous pussions nous voir ; deux ou trois jours de conférence éclairciraient bien