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aussi du régiment un autre paquet, et de Corse je ferai un envoi le plus tôt possible. La forme provisionnelle une fois établie, on pourra bien attendre le corps complet de législation. Ce terme sera celui qui vous conviendra. Nous sommes persuadés que vous abrégerez ce temps le plus que vous pourrez.

Je vais passer en Corse ; je m’y occuperai sûrement de notre objet ; c’est celui qui m’intéresse le plus. Mais, monsieur, je vois avec peine que vous avez trop de confiance dans mes faibles lumières. Il serait bien flatteur pour moi de pouvoir remplir la bonne idée que vous en avez conçue : plus je sens combien peu je la mérite, plus je voudrais pouvoir y atteindre. Mais, je vous le répète, je n’ai que du zèle, il devra me tenir lieu de ce qui me manque.

J’espère que vous voudrez bien entrer dans quelques détails sur la façon dont la matière doit être traitée, qui est pour moi aussi délicate et difficile que nouvelle.

Je vais vous parler de M. Paoli avec sincérité. Il a trente-neuf ans, il n’est pas marié, il ne l’a jamais été et n’a pas envie de l’être. Lors de la pacification de la Corse, sous le maréchal de Maillebois, son père, qui était un des généraux de la nation, passa à Naples avec titre de colonel. Il y mena son fils très-jeune, pour lequel il obtint une place dans l’académie militaire. Après que les troupes françaises se furent retirées de Corse en 1754, M. Gaforio, général des Corses, fut assassiné par les émissaires de la République. M. Paoli, qui était au service du roi de Naples, passa en Corse, fit une campagne comme volontaire et fut ensuite élevé au généralat. Son zèle, son attachement pour le bien public et ses talents supérieurs l’en rendaient digne. Il n’a point démenti les espérances qu’on