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avançant mon insuffisance avec franchise ; je ne puis donner que ma très-bonne volonté : c’est tout ce que j’ai.

Votre santé, monsieur, est un objet qui m’inquiète infiniment. Elle est liée à notre félicité, et en faisant des vœux pour la prospérité de notre patrie, nous devons y en ajouter de bien sincères pour votre conservation. Nous mettrons notre espoir dans la Providence. Elle a voulu que les Corses pussent secouer un joug tyrannique, elle a voulu que malgré leur extrême misère, leur désunion, leurs faibles ressources, ils aient confondu l’orgueil d’une République aussi riche, insolente et cruelle. Cette même Providence veillera à la conservation d’une personne qui se dévoue pour le bien des hommes, d’une personne qui doit être chère à la divinité et à ceux qui aiment la vérité et la justice. Elle voudra que vous trouviez dans un travail aussi saint, aussi noble, un soulagement à vos chagrins, à vos maux, et la récompense d’une vie consacrée uniquement à la vertu.

Je conçois, monsieur, les difficultés que votre voyagé de Corse aplanirait. Un petit séjour vous y donnerait toutes les connaissances qu’il vous sera bien difficile de vous procurer par relation. Votre passage dans le pays ne serait ni long, ni difficile, ni dangereux pour votre santé : il n’y aurait aucun obstacle à craindre. Une fois rendu à Livourne, il ne faut que vingt-quatre heures pour passer en Corse, quelquefois moins. On choisirait le temps le plus favorable et le bâtiment le plus léger. Le pavillon de l’empereur est celui qui fréquente le plus nos plages ; il est très-respecté des Génois. L’air du pays est très-bon. Je ne vous dirai rien du plaisir, de l’ardeur qu’on aurait de vous y recevoir. Vous trouveriez dans nos chaumières la