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semblées, les bals et les festins : elles sont moins agréables que le reste des femmes de l’Europe, mais elles sont très-estimables.

Il n’y a chez les Corses ni arts, ni sciences, ni manufactures, ni richesses, ni luxe ; mais qu’importe, puisque tout n’est point nécessaire pour être heureux ?

Je sens bien, monsieur, que le travail que j’ose vous prier d’entreprendre, exige des détails qui vous fassent connaître à fond ce qui a rapport au système politique. Si vous daignez vous en charger. Je commencerai par vous communiquer ce que mes faibles lumières et mon attachement pour ma patrie m’ont dicté, d’après vos principes et ceux de M. de Montesquieu ; puis je me mettrai à même de vous procurer de Corse, les éclaircissements dont vous pourriez avoir besoin, et que M. Paoli, général de la nation, nous fournira. Ce digne chef, et ceux d’entre mes compatriotes qui sont à portée de connaître vos ouvrages, partagent, avec toute l’Europe, les sentiments d’estime qui vous sont acquis à si juste titre. Ils y admirent l’honnête homme et le citoyen toujours inséparables de l’auteur. Mais je me tais, parce que ce n’est qu’à vos ouvrages et à vos mœurs à faire dignement votre éloge.

Je me flatte, monsieur, que vous ne me saurez pas mauvais gré de la liberté que je prends de m’adresser à vous. Si je connaissais un homme plus capable de remplir mes espérances, je ne balancerais pas, sans contredit, à le consulter, persuadé que ce n’est point désobliger les personnes qui aiment et professent la vertu, en leur fournissant l’occasion d’en faire usage pour une nation infortunée qui, connaissant toute l’horreur de la situation passée et l’instabilité de la présente, voudrait bâtir pour l’avenir un