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474 LETTRES INÉDITES.

LXIV

AU MÊME ^

TryA, 18 mars i768.

Les choses incroyables et monstrueuses qui m’ arrivent ici depuis un an, m’ont mis à tous égards hors de mon ca- ractère. Dans cet état, de peur de m’égarer dans les ténè- bres, je dois agir et parler le moins que je puis. Naturel- lement, je devais attendre dans ma détresse quelque assistance ou quelques lumières de quelqu’un de mes amis, et je n’en ai reçu de personne. Cela m’a fait prendre le parti de rompre des liaisons tout ou moins inutiles, et la vôtre n est pas exceptée. Voilà la raison de mon silence, et je vous préviens îjue je ne le romprai plus, que ma si- tuation n’ait changé, mais je vous promets, et de bien bon

  • Cette lettre écrite peu de temps avant le départ de Rousseau du châ-

teau de Trye, se ressent de l’agitation et du trouble d’esprit dans lesquels il se trouvait alors ; Goindet, une des rares personnes avec qui il était resté jusque-là en rappoits très-suivis, fut à son tour sacrifié aux hallucinations du malheureux Jean-Jacques. Pour excuser en partie la conduite de ce dernier, il faudrait rappeler ici que les dispositions funestes du phiIos(^he étaient soigneusement entretenues par l’indigne créature dont il avait fait sa compagne, et qui, tantôt par la crainte de perdre son influence, tantôt poussée par l’ennui qui la suivait partout, ne négligeait rien pour dégoûter Rousseau des habitations diverses qu’il s’était choisies. Cette fois-ci encore les menées de Thérèse réussirent, et, peu après l’époque où fut écrite la lettre qu’on vient de lire, Jean-Jacques quittait l’asile généreusement of- fert par le prince de Conti pour aller s’établir dans le Dauphiné.

{Note de VÉditeur]