Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/421

Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRES INÉDITES. 595

supplie, l’homme en question, afin qu’il y pourvoie, soit en évitant de mettre- des lettres à la poste de Genève, soit en 5e servant d’une adresse intermédiaire qui puisse dé- payser les curieux. J’en trouverai quelqu’une s’il veut me charger de ce soin. Votre projet me parait bon et bien en- tendu, et vous aurez ma procuration quand il vous plaira, car je vous donne ma confiance sans réserve ; mais je pense qu’il importe de laisser un peu calmer les esprits et de ne point précipiter une démarche où l’on ne perd rien pour attendre. Il est impossible que mon livre ne gagne pas à être connu et que l’on ne revienne pas peu à peu du pré- jugé pris sur cet extravagant réquisitoire, dont M. Dori de Fleuri rougit lui-même, et dont il se justifie en avouant qu’il n’est pas de lui.

C’est de la source du mal que doit venir le remède, et quand les Français eux-mêmes blâmeront leur conduite, leurs singes auront moins de peine à les imiter. Or, selon mon opinion, ce changement ne tardera pas en France, et alors nous aurons plus beau jeu. Croyez-moi, rien ne péri- clite, attendons. Le roi de Prusse vient d’accwder son agrément à mon séjour dans ses États ; ainsi je suis tran- quille et rien ne me presse.

Vos leçons, cher ami, sont fort bonnes ; mais je crois que vous avez pris le change sur leur objet et vous devriez bien plutôt me tancer de trop d’indifférence que de trop de passion dans cette affaire. Il est certain qu’au premier mo- ment j’ai été vivement ému des indignités qu’on m’a faites dans ma patrie ; mais, l’instant d’après, toute cette émotion s’est calmée, et j’ai vu qu’au fond, c’était m’agiter de rien ; car enfin, mon cher philosophe, dites-moi, de grâce, quel intérêt j’ai à tout cela, quel bien me fait ma qualité de ci-